La singularité derrière l'uniformité: le collagiste Cieslewicz prends le temps de la réflexion par la reconstitution de l'image
La singularité derrière
l’uniformité
Pour rendre aux images leur force de frappe, le graphiste polonais pratique un art de la juxtaposition et de l’assemblage d’éléments bruts. Il ne retouche aucune image mais s’ingénie à les relier par des traits d’union rouges et des étiquettes dont le message est percutant.
Voici ce qu’écrit sur ce point le théoricien de l’art Jean-Marc Lachaud dans un article consacré à « l’usage du collage en art au XXᵉ siècle » :
« Deux étapes caractérisent le processus de fabrication de l’œuvre collagiste : celle de la déconstruction et celle de la reconstruction. Dans un premier temps, l’artiste puise et sélectionne au cœur de la réalité un ensemble de morceaux hétéroclites. Pour ce faire, il pratique une intervention de type chirurgical : il prélève, découpe, ampute. Parfois, le hasard de la trouvaille ou l’accidentel accompagnent sa récolte. Dans un second temps, il assemble (sans être préoccupé par un ordonnancement pré-établi) et met en rapport (de manière conflictuelle) les pièces de ce puzzle. Il les juxtapose, les superpose, les mixe. Ces brisures du réel, arrachées à leur univers habituel, sont insérées, sans toutefois perdre leurs propriétés originelles et leur mémoire, au sein d’une structure mouvante. Tout en résistant aux manipulations de l’artiste et en conservant une relative autonomie, elles sont néanmoins décontextualisées. »
Parmi les collages réalisés par Cieslewicz, on trouve par exemple l’image d’un nouveau-né meurtri par la famine juxtaposée à celle d’un astronaute qui évolue dans le vide intersidéral. Au-dessus du personnage muni de jumelles, le graphiste a collé l’étiquette « Non-sens ». Cette mise en miroir est une façon pour l’artiste de souligner l’absurdité de conquérir l’espace alors que des enfants meurent de faim sur Terre.
Les œuvres de Cieslewicz visent notamment la télévision qui favoriserait l’ignorance en déformant l’information. En effet, la violence y est omniprésente à tel point qu’elle ne scandalise plus personne. Les informations sont jetées pêle-mêle, sans transition au regard des téléspectateurs. On retrouve ici les intuitions de Georg Simmel qui présentait « le fleuve d’argent » comme « le commun dénominateur de toutes les valeurs » et « le niveleur le plus redoutable ».
Grâce à ses œuvres, Cieslewicz cherche à rendre toute leur singularité aux événements avalés par le flot informationnel. Ainsi, Jean-Marc Lachaud précise que :
« les failles béantes et les espaces vacants qui articulent les [collages] invitent à la découverte de l’indéterminé, du différend, du non-encore là. »
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